La maltraitance en maison de retraite est un phénomène important, mis en lumière récemment grâce à un documentaire-choc de la télévision française. Il s'agit d'en parler certes, sans pour autant par trop généraliser ce problème, encore minoritaire par rapport aux cas de maltraitance à domicile.
La parole, vecteur principal de maltraitance
Un mode insidieux de maltraitance, parfois en maison de retraite, tient à la "chronopathie verbale", cette habitude qui se prend très vite dans les milieux professionnels. La "chronopathie verbale" permet évidemment de gagner du temps, parfois d'économiser les mots. Morceaux choisis de propos entendus : "... allez la promener ...", plutôt que "... se promener avec Mme X ...".
Dans la première formulation, le professionnel se dispense de désigner la personne, alors que dans la seconde, il la nomme se plaçant comme étant avec elle et non, de façon anonyme, derrière elle à pousser son fauteuil roulant. Les professionnels se devraient d'ailleurs de renoncer à dire "chariot" ?
Prise en charge globale
Une expression "technique" fait fortune : la fameuse "prise en charge globale" dont parle si justement Hesbeen (2002). Cet auteur souligne qu'une telle formule incline de manière subtile à souligner la notion de charge liée à la personne dont on s'occupe. La personne âgée doit-elle être vue - et se voir - comme une charge pour le soignant ? Et l'adverbe "globalement", est-il approprié à exprimer ce que la personne attend d'un soignant ? Ne souhaiterait-elle pas plutôt que l'on s'occupe d'elle "personnellement" ou "particulièrement" ? ...
Maltraitance verbale banalisée
Ce n'est là qu'une partie du langage que certains professionnels (mais méritent-ils vraiment ce qualificatif ?) peuvent finir par prononcer sans même s'en rendre compte. On pourra arguer qu'il s'agit seulement de "raccourcis de langage". Mais l'observation montre que le pas est vite franchi du "raccourci" dans la manière de parler au "raccourci de la pensée" et, bientôt, au "raccourci dans les actes". Le pire est cependant lorsque ces formules deviennent instituées et pour certaines même officialisées. C'est alors de la sorte qu'on entre dans la maltraitance.
Parfois, ce sont des propos violents qui peuvent être dits, sans pour autant qu'il y ait volonté délibérée de maltraiter la personne âgée. Ainsi donc, avant même d'apprendre à "prendre en charge globalement", avant d'apprendre à faire de la qualité dans l'accompagnement en institution, doit-on plutôt apprendre à parler et à penser, pour enfin apprendre à bien faire.
Libérer la parole: le 39 77
En établissement d'hébergement pour personnes âgées, aussi souvent que lors des maltraitances au sein de la famille, il est fréquent que la victime n'ose pas parler. Si elle se confie à un soignant, elle peut se trouver confrontée au refus d'entendre ou au silence de protection mutuelle qui règne au sein de l'équipe. De leur côté, les familles taisent souvent les violences comme les négligences dont elles peuvent être témoins, par peur de représailles sur la personne de leur aîné. Parfois, elles "profiteront" d'une hospitalisation de leur parent pour agir. Or il est essentiel de libérer la parole et de dénoncer chaque cas de maltraitance. Un numéro d'appel national, le 39 77 a été mis en place pour recueillir les témoignages. Ce numéro national d'aide aux personnes âgées victime de maltraitances connaît un grand succès et il a déjà permis de mettre fin à de nombreux problèmes. Une initiative à soutenir, assurément.